Coluche s’est réincarné en Islande !

Ce week-end ce sont tenues des élections municipales dans les 22 grandes agglomérations du pays. A Reykjavik en particulier, les événements qui ont agité la ville pendant plusieurs semaines ne sont pas sans rappeler la campagne que tînt en son temps un comique Français célèbre.
Samedi, selon les résultats officiels, les partis traditionnels ont été littéralement pétrifiés par l’éruption inattendue du mouvement « anarcho-surréaliste » crée il y a six mois par Jón Gnarr, acteur comique à la recherche « d’un boulot tranquille et bien payé ». Cet ancien joueur de bass d’un groupe Punk est arrivé en tête de l’élection avec près de 35% des suffrages et 6 des 15 sièges à pourvoir. Il a ainsi devancé la candidature de l’actuelle Maire de la ville, Hanna Birna Kristjándóttir, membre du Parti de l’Indépendance, dont la liste n’a recueilli que 5 sièges.
best partyEntre deux interpellations, un mandat d’arrêt international et de nouvelles démissions (pour avoir accepté en 2006, de substantielles donations privées, Steinunn Valdis Oskarsdottir fut la dernière en date à renoncer à son poste de député), le « Meilleur Parti » (Besti Flokkurinn) de Jón a fait une percée remarquée dans l’opinion publique.
Au regard du programme proposé, il serait aisé de croire les Islandais naïfs, imprudents ou même inconséquents. Il n’est effectivement pas certain que l’introduction d’un ours polaire au zoo de Reykjavik, la distribution gratuite de serviettes dans les piscines ou l’instauration d’une taxe sur les véhicules circulant dans la petite municipalité huppée de Seltjarnarnes, offrent toutes les garanties d’un mandat réussi.
Le message adressé aux hommes et aux femmes politiques qui furent reconnus coupables « d’extrême négligence » par le rapport de la SIC présenté en avril dernier est donc à la hauteur de la colère et de la rancœur qui anime la population depuis maintenant un an et demi. La défiance à l’encontre des gouvernants atteint les sommets encore chauds d’Eyjafjöll. Une façon de dire que les électeurs croient autant à cette parodie de parti qu’ils pensent leurs anciens dirigeants encore aptes à gérer la cité.
La liste de Jón Gnarr, qui compte par exemple une ancienne pop-star et une femme au foyer, ne fut d’ailleurs pas la seule à se gausser du pouvoir tel qu’il est pratiqué en Islande.
En marge des grands partis traditionnels (Parti de l’Indépendance, Parti du Progrès, Alliance Sociale Démocrate et Parti Gauche Verte), qui ont peiné à émerger ou perdu leur majorité, d’autres mouvements ont surfé sur la vague de « l’éthico-politique ». Ólafur F. Magnússon et sa « Campagne pour l’honnêteté et l’intérêt public », Reykjavíkurframboðið, qui a mené une « campagne pour la défense des intérêts des habitants de Reykjavik », ou encore un parti d’étudiants au Nord-est du pays… les manifestations citoyennes de dépit paraissent avoir été assez largement plébiscitées par le peuple Islandais.
Les conclusions du « black report » et les récentes arrestations qui ont suivi sa publication ont indéniablement entamé la crédibilité politique et la légitimité des candidatures traditionnelles.jon gnarr
La situation tend aussi à démontrer qu’à l’inverse d’autres démocraties occidentales, les électeurs sont désormais les vrais décideurs. Si ailleurs, les concertos pour flûte et violon des « Nicolangela » et consorts parviennent avec une indéniable virtuosité à endormir nos frêles capacités de discernement, ici, après avoir été perçus comme les dizaines de milliers de moutons qui occupent paisiblement l’île, les Islandais ont voulu démontrer qu’ils avaient bel et bien repris leur destin en mains. Le renversement du gouvernement de Geir Haarde en 2009 et le large « niet popof » au remboursement de la dette britannico-batave lors du referendum Icesave de mars dernier ne furent que les premières étapes d’un processus de reprise du pouvoir qui vient de voir sa troisième phase se concrétiser ce week-end.
Un peu comme si Coluche, il y a 30 ans,avait été élu Président de la République sur un aphorisme en guise de promesse électorale : « Avant moi la France était coupée en deux, maintenant elle sera pliée en quatre ».
Sociaux-démocrates et Meilleur Parti ont d’ores et déjà entamé des négociations pour constituer une coalition qui leur donnerait la majorité (9 des 15 sièges). La désignation du futur Maire de Reykjavik promet assurément des débats autant animés que cocasses. Mais après tout, si la capitale doit accueillir un clown à sa tête, mieux vaut prendre le parti d’en rire.

Photo Jón Gnarr empruntée à Páll Stefánsson.
Autres photos empruntées à moi.

Sources : mbl.is / icelandreview.com / grapevine.is

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3 comments

  1. Je suis cette histoire de près. J’ai l’impression que Jón Gnarr a une réelle volonté de rendre la vie meilleure pour ses concitoyens, mais qu’il se cherche peut-être concernant la manière d’y arriver. Je trouve toutefois ses premières initiatives assez prometteuses, comme le lancement d’un site internet où les citoyens peuvent exprimer leurs doléances et initiatives, ou l’ouverture à l’opposition en leur laissant l’un ou l’autre poste important dans le conseil municipal. A ce sujet, j’ai lu que Jón avait nommé le leader social-démocrate « city council chairman » et la leader des conservateur « city council president »…Quel est la différence entre ces 2 fonctions? 🙂

  2. Très intéressant que les islandais se tiennent têtes hautes et passent un message à leurs politiciens.Les canadiens devraient adopter la même stratégie face à leur élite politique qui ne les écoutent plus.

    Bravo

  3. Tiens nous au courant de la suite de cette passionnante saga… ;o))
    Michel

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