noël en islande

Les vilains lutins de Noël (version 2013)

Avant l’avènement du bonhomme joufflu à la barbe blanche, venu d’Amérique à califourchon sur une bouteille de breuvage brun, sucré et gazeux au logo omniprésent, il y avait en Islande une fratrie de lutins, vicieux, vilains et voleurs, fils d’une terrible dame troll broyeuse d’os humains et de son mari, une pauvre loque cannibale. Ces vilains lutins descendaient de la montagne un à un, à partir du 12 décembre, le dernier arrivant parmi les hommes le 24 décembre. Leurs noms décrivent leurs méfaits : l’un chipe des bougies, l’autre gratte le fond des casseroles, tandis que leur frère vole le gigot en passant un crochet par la cheminée, et ainsi de suite. Une gent peu recommandable, et leur gros chat noir, lui, dévore les malheureux enfants qui n’ont pas eu d’habits neufs pour les fêtes du solstice. A partir du jour de Noël, les vilains lutins regagnent un à un la montagne, le dernier quittant les hommes des plaines au treizième jour de Noël, que les Français appellent la fête des rois mages.

Et voici la grande nouveauté cette année : ces vilains lutins sont revenus bien plus tôt que prévu, cette fois, ils étaient déguisés en sinistres ministres, et ils ont l’intention de rester encore longtemps parmi les hommes.

En effet, les Islandais ont eu un calendrier de l’Avent bien étrange : chaque jour a apporté son lot de privations et de mauvaises nouvelles. Les ministres fraîchement élus ont carrément tombé le masque et révélé les figures peu engageantes des actions mises en place qui nous étaient fort discrètement réservées. Ce ne sont pas des gigots ou des saucisses qui ont été subtilisées, c’est toute une jeune république qui a été déconstruite en un temps record.

D’abord, le référendum promis sur les discussions avec l’Europe a été dérobé, un peu comme la constitution qui aurait pourtant servi le citoyen, sans autre forme de procès. Les autorités ont choisi d’ignorer les résultats du référendum en faveur de cette nouvelle constitution qui nous aurait tiré d’embarras sur plusieurs plans. Puis on a appris la fermeture de nombreux services hospitaliers. Les bébés prématurés n’auront plus droit à des soins adéquats, et les patients qu’on devait suivre suite à un cancer trouvent les portes fermées. Ceux qui souffrent de maladies cardiaques doivent patienter sagement sur des listes longues comme la faille tectonique d’Almannagjá. Divers fonds de soutien, de recherche… ont été purement supprimés du budget. Ultime mauvaise surprise, la radio islandaise, fondée en 1930, a été abattue du jour au lendemain. Tandis que des sévères coupures budgétaires étaient faites dans le domaine de l’éducation et des services sociaux, une exemption de taxe sur l’exploitation de ressources naturelles était octroyée aux armateurs. Les ressources naturelles, parlons-en justement ! L’énergie propre du pays appartient à des multinationales peu scrupuleuses. L’avenir apparaît bien sombre.

Pendant ce temps, on crie sur les toits que la dette des foyers a été annulée. On avait déjà proclamé que l’Islande avait refusé de payer les pertes des banquiers, une affirmation qui relève de la science-fiction. Ces deux énoncés sont faux. Une intox plus tenace et plus dangereuse que les retombées de l’éruption d’Eyjafjallajökull.

Les mesures promises ne sont pas au rendez-vous. La somme allouée ne représente que le quart de ce qui avait été promis, et le gouvernement précédent avait déjà fait bien mieux sans en faire tout un fromage. Cette fois, la dette a été allégée pour certains ménages, mais pas pour ceux qui ont un revenu très bas, ou pas de revenu du tout. Nulle affaire n’est résolue, et les coupes budgétaires retombent sur tous les citoyens. Les allègements sont sous forme de réductions d’impôts. Ils sont injustes car mal répartis, et une personne qui a vu sa dette doubler lors de la chute des banques, ce qui est assez courant, par exemple de 25 millions à 50 millions, n’a que faire d’un allègement de 4 millions s’étalant sur plusieurs années, sans compter l’effet qu’aura cette mesure sur l’inflation.

En guise de chat de Noël, nous avons un président mégalomane qui raconte un peu n’importe quoi à tout le monde, sans se soucier de ce qui se passe vraiment.

Bref, les vilains lutins semblent avoir trouvé de nouvelles manières de tourmenter les humains.

Joyeux Noël.

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

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