Ma météo en Islande

Pour bon nombre de gens, passer un dimanche après-midi devant sa baie vitrée est la dernière chose à faire. C’est pourtant ce qui m’est arrivé. J’ai laissé de coté télévision, radio et livre pour ne m’offrir que du silence. On imagine des personnes âgées scrutant leur voisinage aux moindres faits suspects ou bien un hurluberlu, jumelles en mains, attendant l’occasion favorable pour admirer la voisine de l’immeuble d’en face. Pris d’une soudaine envie de ne rien faire, alors que depuis huit heures ce matin-là, une double ration de pain avait été cuisinée, que la portion de yaourt fait maison était mise en attente pour dégustation future et qu’un dessert chocolaté pour le dîner de ce soir refroidissait, je me suis installé devant ma fenêtre repu du travail accompli malgré l’heure matinale et dominicale.

Le soleil m’invitait à discuter avec lui, alors je me suis affalé dans mon fauteuil et j’ai commencé à suivre les va-et-vient des rafales de vents dans l’unique arbre (on fait ce qu’on peut en ville) qui se trouve dans le carré vert de notre arrière cour. En un rien de temps j’ai senti le printemps vouloir pousser timidement l’hiver hors cadre. Somme toute une situation originale en Islande où le printemps vient relativement tard d’habitude. Essayant de se tailler une piètre place coincé entre hiver finissant et été débutant. D’ailleurs on parle ici d’été et d’hiver mais rarement de printemps. Une saison qui n’arrive à se placer que pour faire le ménage avant de s’éclipser devant l’été que tous les islandais attendent avec impatience. Comme j’aimerais cueillir un brin de muguet au mois de mai…

Ce dimanche donc, j’ai assisté à un combat entre neige et vent.

Entre grêle et soleil. A tour de rôle ils se mobilisaient pour me montrer leur puissance. Grosses rafales de neige suivis de grandes étendues de ciel bleu ensoleillé. Chutes bruyantes de grêlons sur fond gris bleu argenté faisant place à une averse fine mais refroidissante. C’est ce qu’il y a de superbe en Islande. Sa diversité climatique dans une étroitesse de temps. Autre atout qu’offre cette activité casanière, on reste au chaud tout en se délectant d’un film offert gratuitement par mère nature. Celle-ci offre donc aussi la chaleur venue des entrailles de la terre et qui est ensuite diffusée dans nos radiateurs. Un luxe dont j’ai vraiment ressenti l’aisance en décembre dernier lors d’une visite en France où chaque minute de chauffage électrique faisait pousser des hurlements aux consommateurs râleurs. On n’apprécie les bonnes choses que lorsqu’elles vous manquent.

Tout en rêvant bien au chaud, un merle se pose sur une des branches de notre arbre effeuillé. Il arrange ses plumes et se met en boule se laissant onduler par les rafales de vent. Jamais compris comment les oiseaux en général faisaient pour rester ainsi au frais sans vociférer contre le temps. Vous vous voyez vous, alors qu’il neige, perché sur une branche pendant plusieurs minutes en sifflotant : “Le fond de l’air est frais…” ? Le merle noir est une espèce de passereau qui vient tout juste de coloniser l’Islande. Peut-être depuis que l’Union Européenne frappe à notre porte. Sa taille varie entre 23 et 29 cm et il pèse 125 gr. Sûrement plus durant “bolludagur” qui correspond au mardi gras. Jadis on appelait le jour précédent le mardi gras « Lundi gras ». « Bolludagur » est toujours un lundi. On s’est regardé un bon moment. Moi au chaud, lui au froid. Et puis il s’est envolé, préférant la compagnie de ses congénères à la mienne, de laquelle il ne tirait aucun son.

Cette journée passée devant mon écran géant m’a mis d’une humeur joviale et il est parfois bon de rester chez soi plutôt que de gravir montagnes ou parcourir routes à tôles ondulées pour voir ce pays aux couleurs éclatantes. L’Islande se vit aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur.

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

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