Vivre en Islande ? Mais jusqu’à quand ?

C’est vrai, c’est étonnant ! Je vis sur île splendide à proximité immédiate du cercle polaire arctique et je me contente d’évoquer les difficultés d’organisation d’une fête d’halloween (article précédent) ou mes états d’âme sur le silence.
Je réside en famille dans un état sur le point d’imploser, qui vit peut-être ses dernières heures après avoir surmonté des épidémies, des éruptions volcaniques, des invasions norvégio-danoises et même des guerres gadiformes (du nom de l’espèce à laquelle appartient la morue), et je vous livre le récit des mes nuits avec le Petit Nicolas ou mon dernier stratagème anti-j’me-caille-les-michtons !
Surprenant en effet.

Mais vit-il vraiment en Islande, Lislandais ? La question méritait d’être posée. Au regard des sujets généralement abordés sur ce blog, vous seriez en droit de vous demander. Voire, suis-je humain ? Qui vous dit que vous n’êtes pas en train de lire un extra-terrestre venu observer l’incompétence mégalomaniaque et cupide de certains autochtones ?
Pire : ne suis-je pas tout bonnement virtuel ? Une sorte de SPAM échappé de son ordi, venu faire des trucs,des Clip, des Bang, des Vlop, des Zip !
Shebam, Pow, Blop, Wizzzzzzzzzzzzzzzzzz !
Je devine le doute s’immiscer en vous. Je subodore le silence vous gagner et vous laisser la mâchoire inférieure affaissée, comme figé dans la posture extatique du patient ausculté. En gros, je vous en bouche un coin, non ? D’accord, j’explique. Je vous fais une synthèse aussi claire que possible sur la situation présente.
Alors.

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Avant, l’Islande c’était :

  • Le PIB par habitant le plus élevé au monde (2007).
  • Un taux de chômage de l’ordre de 1%.
  • Une croissance moyenne sur les 10 dernières années d’environ 4% (8% en 2004)
  • Un budget de l’état excédentaire.
  • Le pays des gens les plus heureux (1ère nation au monde selon l’indice de développement humain des Nations Unies).

Mais aussi :

  • Une inflation supérieure à 6%.
  • Le plus fort taux de crédit à la consommation des pays de l’OCDE.

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Aujourd’hui, l’Islande c’est :

  • Une monnaie, la couronne islandaise, qui a perdu environ 50% de sa valeur par rapport à l’euro depuis juillet 2007 (aujourd’hui 1 euro = 150 couronnes environ).
  • Le pays qui enregistre une inflation de l’ordre de 15% (peut-être 20% dans les prochaines semaines).
  • Le chômage, quasi inexistant jusqu’alors, qui a fait son apparition (de l’ordre de 10% en octobre) et qui risque d’augmenter très fortement en janvier prochain.
  • Les 3 principales banques du pays qui ont été nationalisées (dans deux des trois ce sont des femmes qui sont dorénavant à leurs têtes).
  • Des retraits en devises étrangères qui sont autorisés dans la limites de 50 000 couronnes (environ 300 euros) et sur présentation d’un billet d’avion.
  • Les islandais les plus fortunés qui ont déjà quitté le pays ou sont en passe de le faire.
  • Et plusieurs articles qui ont récemment décrit les situations de personnes dans l’incapacité de rembourser leurs emprunts, parce que leurs mensualités avaient doublé.

Et encore, j’ai dit que je faisais court.
Pourquoi ?
Je ne suis pas économiste, mais très schématiquement et sauf erreur ou omission de ma part, tout a commencé avec la dérégulation du système bancaire islandais et l’afflux massif des investissements étrangers dans les secteurs de l’énergie et de l’aluminium.

Encouragées par une croissance rapide des banques, celles-ci et d’autres sociétés ont cherché à investir à l’étranger. Compagnies aériennes, distributeurs, clubs de football… ont ainsi été acquis en grande partie par des emprunts à court terme.
Voilà comment, jusqu’à la crise, les banques islandaises ont pu accumuler des avoirs représentant près de 10 fois la valeur du PIB. Du jamais vu !
Tant que la bourse batifolait, no problémo : les banques remboursaient leurs emprunts en empochant leurs plus values et réinvestissaient gaiement de plus belle.
Mais avec la chute vertigineuse des valeurs boursières, les banques islandaises se sont trouvées dans l’impossibilité d’honorer leurs créances. Boum badaboum !

Histoire de franchement rigoler, je vous cite la déclaration de Monsieur Làrus Welding, patron de la banque Glitnir (l’une des 3 nationalisées), faite le 21 septembre dernier, lors d’un talk show politique, à qui on demandait de quelle façon la crise internationale pouvait affecter le secteur bancaire islandais :

« We can see now that the flexibility in our structure and the way we have prepared ourselves has landed us a very secure position ».

(source : The Grapevine n°16 – www.grapewine.is)

ça ne s’invente pas !

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Bon, lui, ils ont bien essayé, mais ils n’ont pas réussi à le garder. En revanche, en dépit des manifestations d’opposition, le gouverneur de la banque centrale, Monsieur David Oddsson, protégé jusqu’à nouvel ordre par des gardes du corps, a été maintenu dans ses fonctions par le Premier Ministre, Monsieur Geir Haarde.
Ce bon David, farouchement opposé à l’adhésion à l’Union européenne et principal artisan de la privatisation des banques dans les années 2000 quand il était Premier Ministre, fut pourtant de ceux qui jouèrent avec enthousiasme au Monopoly avec la nation la plus heureuse de la planète.
J’aurais tendance à penser que Monsieur Haarde ne souhaite pas se passer d’un aussi talentueux lobbyiste pro aluminium, dans une période où les solutions de secours ne courent pas les rues enneigées de Reykjavik.
Mais ce n’est qu’une modeste hypothèse. À peine confirmée par les rumeurs de nouveaux sites en passe d’être développés.
Il faut savoir que les performances économiques enregistrées en 2004 et 2005 étaient dues en grande partie aux investissements réalisés dans le secteur de l’aluminium. Ce métal intéresse fortement certaines multinationales en raison du faible coût de l’électricité islandaise.
Bref.

Et pour nous, qu’en est-il, me demanderez-vous ?
Ma Blanche Neige étant rémunérée en couronnes islandaises, nous avons subi les chocs cumulés de la dépréciation de la monnaie nationale et celui de l’inflation qui sévit ici. Autant dire que notre pouvoir d’achat fut cryogénisé en l’espace de quelques semaines à peine. Rémunéré en euros, j’ai quant à moi échappé au séisme qui frappait l’île. Mais il est vrai qu’à date, notre avenir islandais se consume lentement dans la lave en fusion.
Sans aller jusqu’à nous rationner, je mentirai en prétendant que notre façon d’aborder la facette gastronomique de notre existence insulaire s’est améliorée.
Non, y a pas de rab’ de frites aujourd’hui !

L’avenir a donc pour le moment la couleur du sable local. Pourtant, croyez-le ou non, mais les gens continuent à vivre presque normalement.

islandeislandeCe soir par exemple, nous étions à une réunion de l’école de Garance et Pablo. Valérie et moi nous étions dit : bon ils vont nous faire un topo rapide sur la situation et nous expliquer qu’ils ne sont pas certains de pouvoir continuer à enseigner, que certains parents ont déjà quitté le pays et que bref, voilà, c’est la merdouille.
Je vous livre ci-après une vidéo qui reflète assez bien le niveau d’angoisse de l’islandais moyen. Scène filmée après que nous ayons assisté à une réunion préalable avec certains parents encore plus traumatisés que les autres.
Réunion au cours de laquelle des décisions draconiennes furent prises pour faire face à la situation et planifier les solutions à mettre en œuvre :

  • 11 janvier : organisation de la galette des rois chez les frenchies pour faire découvrir aux enfants une tradition française ;
  • février : déclinaison d’une fête polonaise consistant à brûler des bouts de tissus accrochés à un grand bâton et à le jeter dans une rivière (j’ai cru comprendre que c’était pour fêter la fin de l’hiver ou de l’automne) ;
  • mars : réunion en vue de déterminer quelle fête pourrait être organisée pour le printemps ;
  • divers : relancer l’école pour savoir quelles excursions sont prévues dans les semaines à venir.

Chapeau bas mesdames et messieurs les islandais. Belle leçon de courage et de solidarité à méditer chez nous.

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

Vous devriez lire

Gudni Th. Johannesson

Élection présidentielle : l’autre match islandais

Quel contenu peut avoir cette chronique si, comme on pourrait le croire, tous les Islandais …

19 comments

  1. Merci pour toutes ces précisions !
    Mon blog sur les débuts de la crise en Islande :
    http://camillelafrance.free.fr/

  2. Bonjour, avez vous bien reçu mon adresse e-mail?
    Bonne journée.
    Cordialement.
    Nadia

  3. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

  4. Bonjour Nadia
    peut être serait-il plus simple que nous communiquions par mail; auriez-vous une adresse à me communiquer ?
    Je pourrai supprimer votre message si vous ne souhaitez pas qu’il reste sur le blog.
    Bonne journée

  5. Bonjour,
    Je nous présente, une petite famile constituée de 3 personnes dont notre fille agée de 15 ans.
    Je vous lis depuis plusieurs mois et je pense que si vous le voulez bien, vous pouvez peut-être nous aider. Nous connaissons l’Islande depuis queqlues années déjà car dès que nous pouvons nous y allons. Nous sommes commerçants à notre compte en France depuis 10 ans et l’idée de nous installer à Reykjavik pour monter une petite boutique nous hante depuis plusieures années. La crise a frappé en Octobre et nous découragea. La crise est toujours là et ne nous décourage même plus tellement ce projet de vie nous tient à coeur à tous les 3. J’essaie de rester en contact avec les infos islandaises sur Internet depuis le début de ce chamboulement mais à distance, cela est très difficile. je vais bientôt contacter l’ambassade d’Islande en France pour démarrer ce projet.
    Chômage, chute des revenus mais le pays ne s’arrete pas de vivre ? Ou en sont tous les petits commerces de Reykjavik ? Les gens arretent ils de « consommer » ou essaient ils de faire face en consommant afin defaire repartir l’économie du pays? Notre projet devient-il utopique?
    Cette installation se ferai pas sans vendre nos murs en France. Ce n’est pas un caprice, ce n’est pas un fantasme mais se sera véritablement une étude de marché concrète car nous investirons tout dans ce projet. Après avoir vécu en Hiver le quotidien des Islandais en enlevant notre regard de « touriste » mais en anlysant plus loin le choses, il est évident que notre coeur est là bas est que s’introduire même en période de crise sera une preuve de solidarité et non pas que pour les paysages. Nous avons un amour profond pour ce pays. Créer notre propre emploi n’empièterai pas sur le travail qui doit revenir en priorité aux Islandais.
    A tous ceux qui habitent en Islande, si vous avez la gentillesse de vous pencher sur notre cas et me faire part de votre ressenti et me faire partager les changements concrets sur la vie de tous les jours là bas, je vous en serai très reconnaissante.
    Merci à Vous !

  6. La Suisse est un pays totalement neutre (même pas dans l’onu ou alors depuis quelque année seulement) mais la c’est pas vraiment les même raison.

  7. Lislandais, bonjour !

    Vous vous demandiez où vous aviez bien pu voir mon pseudo avant d’arriver sur mon pêle-mêle il y a peu…. et bien c’était ici même, pour une visite habituelle mais un commentaire ponctuel… et depuis, je continue ma lecture, celle de ce jour, instructive, compris et… j’ai pensé à vous : http://plumevive.wordpress.com/2008/11/20/bon-ben-puisquil-faut-parler-damour/

  8. Merci pour ce blog qui nous fait vraiment voyager!

    et… courage !

  9. En lisant le commentaire de fenrir, je me dis que les Suisses et les Islandais sont un peu pareils… non?

  10. Dur dur pour les islandais ! Merci pour le lien très intéressant.

  11. J’aime bien la nature de ce pays et tout sa richesse mais j’ai un froid sur le fait que les Islandais ne voulaient pas être dans l’UE alors que maintenant ils supplie pour avoir l’€ et qu’ils ont fait preuve d’arrogance vis-à-vis de l’UE la critiquent … mais maintenant que la crise est la… ce qui nous montre qu’ils n’ont aucun vrai intérêt et même de leur culture à être dans l’UE sauf économiquement ce qui nous plais pas.

  12. bonjour
    je suis ton blog depuis le début et c’est un vrai délice merci
    je suis française expatriée en suisse.
    si je me permets ce commentaire aujourd’hui c’est pour vous demander un service certes peu ordinaire mais trés romantique, je vous laisse mon adresse mail celineboulot@hotmail.fr
    merci

  13. Bonjour, bonjour…
    C’est marrant et en même temps, cela ne l’est pas vraiment. j’ai l’impression en venant ici de connaître un tout petit peu l’Islande. L’Islande, c’est un peu comme la Suisse, on n’en parle pas souvent parce qu’elle ne fait pas partie de la grande Europe. Il est clair que les difficultés des Islandais, on ne va pas en entendre parler à 20h00 sur TF1. Et pourtant… la situation décrite n’est pas rose. Comme elle ne l’est pas en Suisse. Ou ailleurs. On a peine à imaginer ce que vous décrivez. Car on se fait toujours de l’Islande une image idyllique, à l’image de ces paysages à couper le souffle. Mais en Islande, il y a des Islandais et des Islandaises qui vivent, consomment et pas seulement des glaciers (fondent-ils?). J’ai un peu souri en lisant le commentaires sur les femmes à la tête des banques. Je me suis fait la même réflexion à la lecture du post que véro… J’ai aussi souri en lisant les commentaires sur la réunion à l’école. J’aime bien la fête des rois alors je me dis qu c’est tout à fait légitime de savoir comment on va la fêter et avec quelle recette. :-)) Le flegme islandais m’impressionne. En tous les cas vous lire est un plaisir. Une découverte. L’Islande ce n’est pas toujours beau et rose. En espérant que cette crise se termine un jour et qu’elle fasse réfléchir nos dirigeants sur d’autres options que le capitalisme à l’extrême. En attendant je vous conseille d’écouter Sigur Ros, peut-être que vous connaissez, je viens de les voir en concert. Magnifique, magique, la crise paraît bien loin. A bientôt

  14. Salut Ami Islandais,

    Tiens pour marquer le coup et t’apporter un petit coin de ciel bleu du Nord Pas de Calais, j’ai décidé de t’offrir le prix Premio Dardos que j’ai moi-même reçu de Namaki il y a quelques jours … il est sur mon blog tu peux venir le chercher !

  15. Virgile : Oui / Hooo / Oui / Merci
    Oui, un mauvais souvenir à venir
    Hooo, du sang sur les mains, n’est-ce pas un tantinet exagéré ?
    Oui, j’en doute aussi !
    Merci, nous en avons vu d’autres 🙂

    Vero : certainement pas ! Au contraire, je parierais sur leur réussite. Et je souhaite que cela donne des idées à d’autres.

    Kiji : Merci pour le lien, c’est top ! Par ailleurs, j’ai bien rigolé en t’imaginant avec ton café 🙂
    Mais je ne pense pas que d’autres pays puissent réussir l’exploit d’emprunter jusqu’à 10 fois leur richesse nationale ! (je rajoute un peu de Calva dans le mien) Et je ne pense pas non plus que les autres pays de l’OCDE bouge le petit orteil pour 300 000 pingouins sur leur iceberg (et je le bois cul sec).

    Samuel: le hasard fait bien les choses. Merci pour la visite.

  16. Bonjour,
    j’ai découvert votre blog par hasard, récemment, je suis allé en Islande en mars 2007 et ai été fasciné par cette île.
    L’annonce des difficultés énormes du pays me rappelle ces quelques modestes constats lors de mon séjour : des 4X4 valant une fortune présents partout, des centres commerciaux immenses avec boutiques de luxe à l’infini et surtout des immeubles en construction à foison – à se demander qui allait les occuper. Cette économie était encore plus fragile que je ne l’imaginai.
    On en voit et vous subissez les conséquences désormais…
    merci pour ce blog en tout cas
    Samuel

  17. Salut Ami Islandais,

    C’est vrai que l’Islande est au bord du gouffre et je partage tes inquiétudes.

    Je me pose seulement une petite question. Comme toi je ne suis pas économiste mais bon voici ma réflexion de comptoir [garçon! un café]:

    En supposant que l’Islande se déclare en faillite, (ce qui est arrivé à l’Argentine il y a quelques années), l’effet psychologique sur l’économie mondiale serait dévastateur. Je m’explique. [je fais un canard dans ma tasse de café] Cela voudrait dire que d’autres pays développés de l’OCDE seraient vulnérables. Chose impensable il y a quelques temps. En conséquence et pour éviter l’effet domino je pense que les autres pays de l’OCDE n’auront pas d’autre choix que de soutenir l’économie Islandaise. [j’avale une gorgée de café chaud]

    sinon, je me suis permis de faire un focus sur ton site depuis mon blog (c’est juste un lien!)

    bonne journée à toi

  18. Considères-tu que le fait que deux des trois principales banques islandaises soient dorénavant dirigées par des femmes soit une catastrophe nationale???

  19. Mais ça va aller…d ici deux ans tous cela ne sera qu un mauvais souvenir…
    En ce qui concerne les Islandais les plus fortunés..ceux qui fuient le pays…on du « sang » sur les mains…

    En tant que Français je suis surpris de l effort collectif de la population Islandaise…Je ne suis pas certain que la meme chose se produirait en France…

    Courage…

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