Le choix de Sophie

Certaines coïncidences sont troublantes. Car elles tendent à faire croire qu’il existerait un parallèle entre la vie réelle et l’existence trouble et improbable de la virtualité. Sophie Froment vit en Islande avec sa famille. Certains se gausseront peut-être du choix de la jeune femme, convaincus que l’île aux volcans n’offre pas les chaudes et lumineuses douceurs d’une insularité de l’hémisphère sud. Mais il ne clarifie pas vraiment le préambule.
Alors ajoutons qu’après avoir exercé ses talents chez Electronic Arts (EA), en août 2010, Sophie Froment a pris la tête des Ressources Humaines du groupe CCP, créateur entre autre de EVE ONLINE, dont on peut prétendre qu’il est aux MMO (Massive Multiplayer Online – jeux en ligne massivement multi-joueurs) ce que Icesave fut à l’hécatombe de la finance Islandaise : une référence.
Eve onlineÀ l’instar des colonies d’êtres humains qui abandonnèrent un jour leur système solaire pour explorer les horizons inconnus de EVE, Sophie a préféré les risques d’une création de poste chez CCP et les incertitudes d’une expatriation arctique au confort d’un poste chez Bacardi à Genève ou d’une séduisante promotion chez EA à San Francisco. En sa qualité de Vice-présidente du vaisseau amiral islandais, elle anime un réseau de salariés disséminés au quatre coins de la Terre, tout comme les peuplades d’EVE occupent les nombreuses planètes de la galaxie éponyme.
Et de même que chaque joueur endosse les responsabilités du personnage qu’il se créé pour réussir les missions qui lui sont confiées, charge à Sophie de veiller à ce que les quelques 500 employés de CCP atteignent les objectifs fixés par le groupe.
Il lui fallait bien la détermination et le sens de la cohésion du peuple des Minmatar, l’intérêt des Gallentes pour les divertissements et la combative obstination des Caldari pour fédérer des équipes aux profils éclectiques et structurer un département RH dont la start-up devenue entreprise était jusqu’alors totalement dépourvue.
Les analogies entre réalité et virtualité ne manquent pas.

Manager multi-fonctions

Sophie peut se targuer d’être une aventurière. Outre la rigueur du climat et le contexte économique dans lequel a été plongée la petite île fin 2008, la nouvelle patronne des RH a dû faire face au décalage existant entre la situation dépeinte lors du recrutement et la dure réalité de l’entreprise. «La problématique était plus compliquée» que celle exposée en amont confesse-t-elle sobrement. Un gap qui s’explique moins par la volonté des associés de vendre «à tout prix» le poste que par méconnaissance des enjeux et des pré-requis de la fonction. Qu’importe ! Pour Sophie cette erreur sans «mauvaises intentions» a été l’opportunité de renforcer l’intérêt des prérogatives qui lui ont été confiées et «d’impacter» sur la stratégie et les méthodes à mettre en place. A lire semblable descriptif on serait tenté de déceler, plus que du courage, de l’abnégation. Que nenni. D’abord, Sophie Froment parvient à trouver son équilibre dans les multiples sources de difficultés qui se présentent; autrement dit, elle parvient à s’épanouir dans l’adversité quand d’autres optent plus volontiers pour les effets relaxant du jaccuzi. Elle a surtout donné corps à un souhait professionnel : celui de travailler avec des cultures différentes. «Ce qui me plaît le plus, c’est cette notion de multi-culturel» explique-t-elle. En contact quotidien avec les salariés des quatre filiales – Chine, Etats-Unis, Grande-Bretagne et Islande – Sophie gère donc avec un plaisir qui confine au «violent bonheur» dont parle Bjork dans l’une de ses chansons, «l’ensemble de la fonction RH, du sourcing au recrutement, à la sélection, à l’intégration, à la formation, à la gestion de carrière, au management de la performance» d’hommes et de femmes d’origines très diverses.

Islande mon amour !

Reykjavik, capitale la plus au Nord de l’Europe, est un plaisant pourvoyeur d’énergie brute en complète symbiose avec son environnement. Parfums iodés, violentes et imprévisibles bourrasques, fréquents épisodes neigeux, longues nuits arctiques et interminables journées estivales ont façonné la physionomie de l’île et se sont imposés à ses occupants qui s’en accommodent depuis plus d’un millénaire. C’est d’abord cette «énergie» qu’aime Sophie, bien qu’elle ait du «mal à la décrire»«Il y a les éléments, on est près de l’eau… il y a quelque chose de très fort pour moi au niveau des éléments, de la terre, du ciel, de l’air…».

Mais c’est aussi cette forme si particulière de spontanéité des Islandais, totale, sans tabou ni arrière-pensée, qui a séduit Sophie parce qu’elle simplifie le rapport à l’autre et dont elle témoigne en citant l’anecdote de cette «dame qui, un soir du mois d’août, lors de la Nuit de la Culture, a frappé à la porte de (leur) maison en demandant si elle pouvait utiliser (leurs) toilettes».
En définitive, Sophie ne regrette manifestement pas son choix.
«J’aime vraiment cette boîte, sans doute encore plus que ce que je pensais… et j’aime encore plus l’Islande que ce que j’imaginais».

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

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3 comments

  1. Comme je te comprends cher Roger !

    Beau parcours en effet Julie !

  2. Quel parcours ! Quelle femme ! CCP a bien de la chance….

  3. Bonjour !

    Brillant personnage, mais je dois dire que parent de plusieurs ados, je suis devenu allergique aux jeux en ligne… En tout cas joli parcours professionnel pour atterrir dans cette île magnifique… tous les amoureux de l’ Islande comprendront…

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