La petite chronique urbaine de Dominique

Aujourd’hui, l’Islande vote pour choisir le Parlement qui la représentera pour les 4 années à venir. Ce sera la première élection législative après la « révolution des casseroles », qui conduisit à la démission du précédent gouvernement, appelé depuis « gouvernement responsable de la crise ».

Elections IslandeLe citoyen surinformé d’aujourd’hui ne sait plus trop où donner de la tête – ou du bulletin de vote – et tout le monde, électeurs comme journalistes et analystes, se pose de multiples questions sur la physionomie du parlement qui sortira des urnes dimanche matin. Je laisse aux analystes politiques le soin de rendre leurs verdicts sur les sondages qui seront sans aucun doute fort intéressants, voire comporteront une part de vérité. En revanche, je ne peux m’empêcher de regarder d’un œil critique cette campagne électorale qui, par bien des aspects, a été une campagne plutôt classique, mais aussi totalement en dehors des schémas enseignés dans les cours de sciences politiques.

Les promesses populistes de baisses d’impôts ou de suppression des emprunts indexés (tous deux étant bien évidemment particulièrement impopulaires, rien de bien nouveau) ? Indéniablement, ça marche ! Que la coalition gauche-verte ait peu de chances d’être reconduite ? C’est plus que probable. Le gouvernement actuel (et n’oublions pas que ce fut le premier gouvernement de coalition à gauche en Islande) a été élu après le ras-le-bol de la politique affligeante menée pendant plusieurs décennies par la droite; comment imaginer qu’après avoir fait le ménage en mettant en place des mesures impopulaires, l’actuelle majorité puisse l’emporter ? L’Islande a vécu jusque dans la moelle de ses os cette politique désastreuse d’un ultra-libéralisme qui s’est terminé par l’effondrement de la la tour financière et par la pression historique des citoyens amenant les responsables politiques et financiers à la démission. Etait-ce par citoyenneté ou par pur intérêt particulier desdits citoyens qui avaient vu leurs emprunts doubler, que ce soit sur l’immobilier ou sur les biens de consommation ? Les deux probablement.

Les résultats des sondages indiquent que le parti progressiste (Framsókn) fait un bon dans les intentions de vote; une progression que peu d’analystes comprennent. Transferts de votes du parti de l’indépendance (Sjálfstæðisflokkurinn) ? Ce dernier part en guerre divisé et avec un leader contesté; il a construit sa politique d’opposant parlementaire sur le blocage systématique par la monopolisation du temps de parole contre les opérations de sauvetage menées par le gouvernement de gauche. Ces partis n’ont pas vraiment de ligne politique, ou alors conservatrice, avec un retour aux bonnes vieilles idées d’avant 2008, d’avant la crise.

C’est à se demander si ces intentions de vote, qui pour beaucoup révèlent la « mémoire de poisson rouge » d’une partie des islandais, ne traduisent pas un désir d’élimination (ne pas reconduire le gouvernement sortant).

Pourtant, les 4 années de gouvernement de gauche se soldent par un bilan reconnu comme étant particulièrement positif par les économistes aussi bien islandais qu’étrangers. Encore une fois, ce gouvernement est parvenu à faire le ménage. Ils sont même allées au-delà, en menant une politique environnementaliste courageuse en dépit de quelques couleuvres à avaler (en particulier la concession du Ministre de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Innovation, chef de file de VG, sur l’implantation d’une usine de ferro-silicone à Húsavík qui entraînera la construction d’une usine géothermique près du lac Mývatn, mettant en danger l’écosystème d’un site protégé).
Ces 4 années ont été aussi caractérisées par une nouvelle forme de politique. Alors que pendant fort longtemps les 4 partis qui se partageaient les sièges de l’Alþingi formaient des « blocs » indivisibles, il y eut quelques scissions depuis 2009. A l’exception de la Liste des Femmes qui vécut le plus longtemps, la plupart de ces scissions a marqué le désaccord de minorités avec la ligne officielle prônée par les partis. Désaccords et transferts d’un parti à un autre furent légion, particulièrement chez VG, les verts-rouges, parti de gauche et environnementaliste. Ce parti sans expérience du pouvoir, éternel parti d’opposition, a eu bien du mal à rassembler ses voix lors des votes qui n’étaient pas toujours conformes à ses déclarations d’intention et à son programme, en particulier sur les questions européennes. Il perdit des députés soit pour des divergences de fond soit pour des différends de personnes. Au point que la Première Ministre déclara qu’il était particulièrement difficile de gouverner lorsqu’il fallait chaque fois « rassembler tous les chats » (tâche évidemment impossible, tous les propriétaires de chats le savent !). Quant à Samfylkingin, union de partis centristes avec les sociaux-démocrates en pôle position, ils ont mené une valse-hésitation entre gauche, centre et droite, qui s’est terminée par la victoire des éléments de droite avec l’élection du dauphin de Jóhanna Sigurðardóttir à la tête du parti.

Best PartyMais l’élément le plus marquant de ces élections tient au foisonnement des listes qui présentent des candidats ce samedi 27 avril : 15 listes au total se présentent dans plusieurs circonscriptions. Cela signifie bien sûr un éparpillement des voix pour les 4 partis classiques, et les partis gouvernementaux en souffrent bien évidemment le plus, les scissions étant manifestes dans le centre et la gauche. Certains de ces nouveaux partis n’apparaissent même pas ou à peine dans les sondages. C’est le cas pour le parti Humaniste, le parti du Peuple, le parti Sturla Jónsson (une liste étonnante dirigée par un camionneur qui était régulièrement au JT lors de la « révolution des casseroles » pour protester contre l’injustice des emprunts indexés et qui ne peut même pas voter pour lui-même, sa liste étant inscrite dans une autre circonscription que la sienne). Listes populistes, listes verts-droite, dont la tête de liste n’est pas éligible au Parlement parce que non résident en Islande… Parmi ces formations, seules deux ont de réelles possibilités d’obtenir des sièges à l’Alþingi : la liste Björt Framtíð ou Futur Brillant. Issue du centre, elle recueille presque autant d’intentions de votes que le parti dont elle provient, Samfylkingin. Et les Pirates, dirigés par la charismatique Birgitta Jónsdóttir (liée à Wikileaks et porte-parole de la liberté d’expression pour la presse), inspirés par les partis frères du même nom en Europe et ayant repris les mêmes thèmes de campagne.

Reste que le système de répartition des sièges est extrêmement complexe et qu’il existe un processus de compensation qui rapporte des voix dites « restantes » dans chaque circonscription, dont bénéficient généralement les 4 principaux partis. Dans quelle mesure ? Personne ne le sait. Cette élection risque donc de réserver quelques surprises dans tous les domaines. Même s’il est probable que les deux partis de droite, largement accusés par les partis centre et gauche de défendre les intérêts de quelques-uns seulement (armateurs, industrie et couches aisées) et de jouer sur le corporatisme, puissent remporter la majorité absolue samedi et former un gouvernement. Compte-tenu de la faiblesse quantitative des échantillons statistiques exploités, les marges d’erreurs sont importantes et peuvent s’avérer décisives pour les petits partis.

L’Islande va-t-elle reconduire au pouvoir les partis qui l’ont mené à la crise ? Le suspens prend fin bientôt.

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