Islande : l’abondance en mode raréfaction ?

L’Islande est un pays où l’abondance se manifeste à chaque pas. L’eau, l’air et l’inspiration poétique, on en a autant qu’on veut. Le pays est immense, les espaces sont vastes, la montagne domine et les abysses résonnent. Notre météo est généreuse, et sa largesse nous apparaît en été comme en hiver : la pluie est envahissante, la neige aussi, quand elle s’y met, et puis les vents sont nombreux et divers et atteignent des chiffres de vitesse tout à fait étonnants. En plus, on croise des poètes à tous les coins de rue. À leur manière, ils font perdurer le mythe du grand Ase Óðinn, maître de la poésie dans la mythologie eddique, dont l’esprit est toujours bien présent en Islande, ainsi que celui de ses deux corbeaux, Huginn et Muninn, qui content le passé et l’avenir – pensée et souvenir.

Ce qui est quand même inquiétant, c’est que les autochtones, et notamment les autorités, se montrent follement désinvoltes avec toutes ces richesses.

Voilà des années que ça dure. On mise tout sur l’alu et les industries polluantes. Notre air devient suspect, et notre eau tout autant. L’énergie propre et renouvelable est mal gérée, voire pervertie. Les baleines sont chassées, on se demande pourquoi, l’énergie est vendue à bas prix à l’industrie lourde, tandis que pour le contribuable c’est le prix qu’il paie qui l’est (lourd)… D’ailleurs, la géothermie magique, atout du pays, eh bien, elle comporte des inconvénients et il paraît qu’on en voit le bout.

Quant à l’abondance spirituelle et artistique dont se vantent les Islandais, le nouveau gouvernement a annoncé des grosses coupes budgétaires dont pâtiront les artistes, notamment les écrivains, le système scolaire et universitaire, et j’en passe. Certains ont dû penser que pour stimuler la création artistique, rien ne valait une bonne dose de misère et de tourments.

En Islande, on aime bien râler, il est vrai. Chacun marmonne dans son coin en portant son fardeau.