Bardabunga

Bardarbunga, prières pour un volcan…

…Mais quel volcan ?

Si le mois de juillet fut exécrable dans la région de la capitale essentiellement (mais pas seulement, je garderai longtemps le souvenir du festival folk de Siglufjörður sous une telle pluie pendant 5 jours que les canalisations n‘absorbaient plus), août s‘est profilé nettement plus ensoleillé. Comme si les météos voulaient se faire pardonner le monotone „demain, pluie dans l’ouest et le sud, 20° dans l‘est“ qui finissait par porter au moral. Et puis voilà, avec le mois d‘août, les employés de la météo ont eu largement de quoi faire. Le temps se mit au beau dans l’ouest, le brouillard renommé des fjords de l‘est reprit ses emplacements, les rues de Reykjavík se sont vidées et la météo de service au JT arborait un sourire radieux.

Et puis tout a commencé à trembler.

La presse internationale s‘est fait l‘écho de la possible éruption du Bardarbunga sous le Vatnajökull et tout le monde a poussé un soupir de soulagement parce que c’était plus facile à prononcer que Eyjafjallajökull (bon ça veut dire qu’il n’y aura sans doute pas de film intitulé Bardarbunga). Mais la presse internationale a aussi cherché les photos de la précédente éruption pour exciter un peu ce mois d‘août où les événements en provenance de Gaza, d’Ukraine ou d’Afrique de l‘Ouest étaient passées dans le domaine des informations qui ne se renouvelaient pas. Et pendant ce temps, la terre tremblait. Les scientifiques de l’Office Météo et de l’Université ont effectué (et effectuent toujours) un travail époustouflant, présentant dans les médias des maquettes et des cartes extrêmement détaillées, avec des explications à la fois précises et posées, où « nous suivons l’évolution mais ne pouvons prédire la suite » était le leitmotiv. Nous en sommes toujours là, la caldeira de Bárðabúnga tremble assez violemment, avec des secousses supérieures à 5 plusieurs fois par jour. Sous le glacier et maintenant au nord de la langue glaciaire du Dyngjujökull, un torrent souterrain de lave alimenté par le magma se fraie un chemin vers le Nord et n’est plus très loin du système de fractures sismiques de la caldeira d’Askja.

Curieux sentiment de tout savoir sur cet ensemble tectonique en mouvement sans savoir où et comment il finira. Eruption ? Où ? Retrait de la lave et solidification dans les fractures créées par les mouvements de l’écorce terrestre ? L’Est et l’Ouest de l’Islande s’écartent sérieusement : 20 m de plus entre Reykjavík et Egilsstaðir en moins de 2 semaines… Heureusement le site est dans la partie la plus désertique de l’île, les Ponts et Chaussées ont pris les mesures nécessaires pour essayer de garantir que les rivières en cas d’éruption sous glaciaire n’emporteront pas tous les ponts. Et il n’y a plus un touriste dans la zone, interdite d’accès. Attendre.

BardabungaMais en attendant, ça tremble ailleurs dans le pays. La nouvelle équipe de direction de la radio nationale RÚV prépare ses programmes pour l’hiver – et décide de supprimer des programmes la prière du matin (2-3 minutes) et du soir (5 minutes) en ouvrant une émission en prime time le dimanche soir sur le thème de la religion, animée par prêtres, théologiens et spécialistes de différents cultes. Personne n’a dû s’attendre aux réactions du public, qui, bien que chrétien, n’a jamais manifesté un attachement particulier au culte et en particulier à ces minutes sur la radio nationale. Elles furent telles (une page Facebook pour demander le retour de ces minutes religieuses a recueilli plus de 6000 adhérents en quelques jours) que la programmation a été revue et la prière du matin conservée, à 6h30. Il peut être utile de préciser que le taux d’audience de ces minutes religieuses était le plus faible parmi toutes les émissions de la chaîne culturelle…

Bardabunga
Hanna Birna Kristjánsdóttir

Toujours en attendant, un séisme se déclenchait dans un autre secteur et cette action sismique a retenu tout autant l’attention des islandais et fait la une de la presse. Mais pas au sens propre du terme. La Ministre de l’intérieur, Hanna Birna Kristjánsdóttir, se trouve actuellement dans une passe fort difficile qui a ses origines dans un fait qui aurait fait le bonheur du Canard Enchaîné : un demandeur d’asile nigérian voit sa demande d’asile rejetée après plusieurs mois d’attente en Islande, il doit donc être expulsé du pays alors que sa compagne attend un enfant dont il est le père. Des manifestations sont organisées devant le ministère de l’intérieur et sans doute afin de se « justifier » d’expulser ce nigérian, une fiche est communiquée sous le manteau à la presse, avec des informations personnelles sur le demandeur d’asile, et un avis selon lequel il se livrait dans son pays d’origine à de la traite humaine et à des activités criminelles. Faits d’ailleurs démentis par la suite. D’où provenait cette fiche ? Qui disposait de ces informations et qui avait intérêt à ce qu’elles soient diffusées malgré les termes de la loi locale informatique et libertés ? Le débat a enflé, le ministère bien évidemment mis en cause (les informations n’étaient disponibles nulle part ailleurs) mais la ministre dénie toute responsabilité en la matière, la fiche ne provenait pas du ministère. Une enquête policière est décidée et l’étau se resserre, en particulier sur l’un des chefs de cabinet de la ministre, qui est finalement mis en accusation et doit quitter son poste le temps de l’enquête et de l’action en justice.

La ministre est prise au piège de ses propres déclarations, accusée d’avoir menti au Parlement et à la nation.

Mais coup de théâtre : le chef de la police de Reykjavík, particulièrement apprécié dans les rangs de la police et des citoyens, remet sa démission et évoque, en guise d’explication discrète mais claire, des pressions provenant de la ministre lors de l’enquête policière. Le médiateur du Parlement, qui a pour rôle de s’immiscer dans les cas de conflit entre l’exécutif et le législatif, est intervenu en demandant une explication des deux parties. Aujourd’hui, la ministre vient de recevoir la troisième missive du médiateur après les explications fournies par l’ex-chef de la police – et les discordances entre les deux parties sont telles que la ministre s’est démise des dossiers de ministre de la justice, repris par le Premier Ministre, et que la nation la suit s’enferrer dans des justifications qui utilisent la tactique « l’attaque est la meilleure défense ». Qu’en sera-t-il, pourra-t-elle tenir la distance et garder son poste ? Si non, l’enjeu est gros : elle était le dauphin du Parti Conservateur, aujourd’hui fort divisé, et il semble y avoir peu de personnalités fortes susceptibles de la remplacer. Là aussi, attendre.

L’automne s’annonce instable, au sens propre et au sens figuré…

Chronique écrite le 27 août, précision utile vue l’évolution rapide de tous les sujets abordés !
© Photos : Airinfo.org ~ RUV

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

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