Les islandais sont mécontents et je les comprends

Au moment où j’écris ces quelques lignes, l’un est parti, les deux autres s’accrochent à leurs fonctions. Sigmundur David Gunnlaugsson n’a pas jugé bon de faire durer son calvaire médiatique plus longtemps. Modeste possesseur de quelques millions d’euros discrètement placés avec son épouse dans un paradis tropical et fiscal, le Premier ministre a omis de mentionner cet investissement dans sa déclaration de patrimoine; une première fois lors de son élection au Parlement en 2009, une seconde fois au moment de sa nomination au poste de PM en 2013.

Cette amnésie répétée est certainement due à l’impact cryogénique des températures locales.

Les crises passent et se ressemblent

À défaut d’avoir fraudé le fisc islandais, l’ancien journaliste-investisseur-politicien (cet homme est un étendard à lui tout seul !) se voit reprocher une moralité à géométrie variable et un possible conflit d’intérêt en raison des créances détenues dans les trois principales banques islandaises nationalisées au moment de la crise de 2008. En luttant contre l’évasion des capitaux tout en facilitant l’expatriation de ses propres deniers, en dénonçant fermement les accords de remboursement « Icesave » tout en détenant des actifs de la banque incriminée, Sigmundur fait preuve d’une conception quelque peu schizophrénique de l’engagement politique. D’ailleurs il le prouve en restant patron incontesté de son parti.

Bjarni Benediktsson et Ólöf Nordal, souillés eux aussi par les traces odorantes d’offshorisations douteuses, ont jugé que leurs explications suffisaient à les préserver de l’opprobre. Le Ministre des finances et celle de l’Intérieur devraient donc rester au gouvernement jusqu’à l’organisation d’élections législatives anticipées prévues à l’automne prochain.

Parce qu’ils ne sont pas sans faire penser à d’autres comportements bien de chez nous, ces dénis de moralité pourraient bien attester de l’existence d’une sorte de maladie génétique incurable du politicien dont le caractère récessif serait avéré.

Qu’attend-on pour agir et protéger ces hommes et ces femmes que l’exercice du pouvoir a manifestement rendu malades ?

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Bjarni Benediktsson – © Arnar Eggert Thoroddsen

Le changement c’est pas maintenant

Les politiciens opportunistes et les banksters sont comme ces enfants que l’on gronde parce qu’ils ont goûté au gigantesque gâteau au chocolat qu’on a laissé bien en évidence face à eux. Les punitions infligées demeurent le plus souvent raisonnables et les conditions d’accès aux tentations argentées n’ayant guère changé, comment imaginer que ces garnements eussent pu devenir des petits anges intègres ? La nature humaine est ce qu’elle est.

Il faut être bien naïf pour croire qu’une ploutocratie héréditaire dissimulée sous un simulacre de démocratie puisse agir pour le bien-être (j’allais dire le bonheur) de ceux qui la servent. Il faut être un sacré cornichon pour penser que la fière posture d’un Ministre est un gage de probité, que l’engagement politique est indissociable de l’obligation de résultat ou que les lois en application puissent émousser les ardeurs capitalistiques de ces gastronomes en culottes longues.

Le monde tel qu’il existe aujourd’hui ne changera que si le fonctionnement des institutions est profondément, radicalement, durablement transformé. Que si la participation et l’implication citoyenne est totale et systématique. Que si les choix et les décisions de l’immense majorité prévalent sur les ambitions médiocres et suffisantes de l’infâme minorité. Tant que les enjeux écologiques seront gérés par ceux qui détruisent la planète, qu’une répartition plus équitable des richesses sera du ressort de ceux qui possèdent ces dernières, que les rentiers de la politique orchestreront nos destins à l’aune de leurs volontés de pouvoir et décideront de la façon dont nous voulons organiser la vie en société, faut-il s’attendre à des lendemains radieux ?

© Image à la Une Grapevine.is

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