En route vers les aurores boréales

Il est un pays dont la magIe tIent autant à ses fjords et à ses glacIers qu’à son passé de vIkIngs conquérants. BIenvenue en Islande, terre de l’extrême ! J’ai vécu en Islande plus de vingt ans. Je parle islandais, une langue très poétique ; très idiomatique aussi. C’est seulement en l’an 874 de notre ère que des Norvégiens mâtinés de Celtes y fondèrent une démocratie originale. L’islandais écrit y fut inventé au XIIe siècle et c’est le réservoir linguistique de toutes les langues germaniques. Autrefois, l’île était la propriété du renard polaire. Aujourd’hui, le pays compte près de 320 000 habitants et environ 1 million d’elfes…
Photographies Jóhann Ísberg (article publié dans National Geographic de février 2012)
L’Islande est l’une des plus jeunes terres de notre planète. Il y a environ 20 millions d’années, elle a surgi de l’Atlantique Nord, aux confins du cercle polaire arctique, entre la Norvège et le Groenland. Dès lors, elle n’a cessé de grandir, de s’étirer, de gagner du terrain, petite île émergée du manteau sous-marin de la Terre.
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Depuis sa naissance, l’Islande, fille des volcans, s’est élargie de 400 km. Sa géographie vagabonde et capricieuse est dessinée par des soubresauts, des éruptions, des débâcles. C’est une orgie de nature. L’île abonde en phénomènes naturels très divers. Il faut donc prendre son temps et délimiter avec parcimonie les endroits à explorer. Il n’y a pas vraiment de saisons en Islande, il n’y en a jamais eu. Les Vikings avaient inventé un calendrier séparant l’année en deux semestres : un où la lumière monte, l’autre où elle décline. J’aime me rendre dans ce pays en hiver.
Si l’Islande a longtemps été la contrée la plus oubliée du monde occidental, ce n’est plus d’actualité. Thulé, comme la dénommaient les Anciens, fait souvent la une des médias. Depuis 2008, on évoque régulièrement les péripéties de son économie. En mars 2010, un volcan au nom imprononçable pour qui n’est pas Islandais, l’Eyjafjallajökull, lâche un panache de cendres qui paralyse tout le trafic aérien européen. En mai dernier, c’est au tour de la caldeira sous-glaciaire du Grímsvötn de se manifester par une puissante éruption. J’ai suivi tous ces événements sur place et en direct.
En avril 2011, une autre éruption, solaire cette fois, réactive intensivement et durablement le cycle du Soleil. En Islande, cela se traduit, dès qu’il fait nuit et clair, par l’apparition des aurores boréales, un phénomène familier des habitants des régions polaires. Pour moi, cela reste un événement prodigieux. Attiré par la promesse irrésistible de ce spectacle, je reviens dans mon pays adoptif au cœur de l’hiver. Je choisis deux points de chute, Reykjavík l’océanique et Mývatn la continentale.
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Reykjavík, la capitale la plus boréale du monde, s’étale entre deux fjords, le long d’une baie (vik en islandais). Plus de la moitié des nationaux y vivent. C’est le centre économique, commercial, culturel et industriel du pays. Et il est toujours en mouvement. À l’entrée du port, on vient d’inaugurer un complexe musical à l’architecture ultramoderne, dont la conception et la réalisation laborieuse suffraient à résumer l’histoire économique mouvementée de ces dernières années. Reykjavík (« la baie des fumées ») est aussi le paradis des noctambules. On y trouve, à un jet de pierre des bâtiments officiels, des pubs, des bars ou des cafés douillets – tous bondés, à moins que la nuit ne soit encore jeune. Le dimanche matin contraste avec l’agitation des vendredis et samedis soirs. À part de jeunes enfants accompagnés qui nourrissent les canards près de la source d’eau chaude du lac, la ville est presque déserte. Je quitte les effluves océaniques pour rejoindre le Nord du pays.
À cause des aléas climatiques de l’hiver, rouler vers le nord s’apparente parfois à une véritable expédition polaire. Le temps est instable, alors je privilégie les services de la compagnie Air Moucheron, basée à Mývatn. Une heure plus tard, l’avion se pose à Akureyri, la deuxième agglomération du pays, située sur la rive ouest de l’Eyjafjörõur, à 50 km du cercle polaire. C’est ensuite à bord d’une Super Jeep – un véhicule surélevé et spécialement équipé pour affronter les conditions extrêmes – que je gagne l’un des endroits les plus fascinants d’Islande : Mývatn, « le lac des moucherons ». C’est l’unique endroit habité des hautes terres et ce, depuis l’installation des Vikings, entre les IXe et Xe siècles. Le lac, troisième étendue d’eau naturelle du pays, est gelé six mois de l’année. En été, on y pêche des ombles et des truites. En hiver, on y soigne des moutons et des chevaux. Le coin est connu des ornithologues pour la quinzaine d’espèces de canards qui y nichent à partir d’avril. Même dans la rigueur de l’hiver, il émane de ce lac une grande douceur. Est-ce dû à la rondeur de ses rivages bombés sous la neige ? Aux îles en chapelet qui le sertissent ?
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À Mývatn, on peut également gravir les pentes du volcan Hverfjall. Son cratère explosif, semblable à ceux de la Lune, a servi de base d’entraînement aux astronautes américains avant leur voyage de 1969. Hiver comme été, j’y ai toujours eu la sensation d’assister à la naissance du monde. À partir de 1975, l’endroit a connu une activité importante qui a culminé avec l’éruption de 1984, quand les fontaines alimentant les coulées de lave faisaient rougeoyer le ciel de Reykjavík pourtant distant de 400 km. L’industrie géothermique s’y est développée. Grâce au dynamisme de ses 400 habitants, le petit sauna des Mývatnois, situé au milieu du rift, a fait place à un spa quasi naturel où l’on vient se plonger avec délices dans des bains d’eau chaude. C’est le lieu le plus merveilleux pour assister au spectacle des aurores boréales. Le phénomène se produit lorsque des particules émises par le Soleil s’électromagnétisent au-dessus de la stratosphère. Elles recouvrent ainsi le ciel de draperies phosphorescentes pouvant furtivement reproduire sur leur bord toutes les couleurs du spectre. Il faut que le ciel soit clair, dégagé, de préférence sans Lune et dépourvu de lumières parasites. Bien au chaud dans les vapeurs fumantes du lac Mývatn, je me laisse envahir par ce tableau merveilleux. Me reviennent les mots d’un ami poète, aujourd’hui disparu, qui trouvent en cet instant un écho singulier : « Alors l’Islandais tourne le dos à la routine de la vie quotidienne pour retrouver les grands domaines de ciel et de pierre, et se réjouir de l’amitié lointaine des neiges. Il s’assure qu’il y a encore de la place dans son île pour les assemblées invisibles, le départ du Navire, la trajectoire des poètes ; que l’Or de l’Islande est toujours là. »

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

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5 comments

  1. J’espère que le réchauffement climatique ne déséquilibrera pas trop ce petit paradis !

  2. « la poussière d’étoiles » certainement Malyss 🙂
    jolie formulation !

    merci Babzy

    Plus de chances d’en voir en hiver FleurDeMenthe dans la mesure où les aurores polaires adorent la nuit 🙂
    décembre me parait un mois pour découvrir en même temps Reykjavik, habillé aux couleurs de Noël

  3. J’ai pour projet d’aller voir ces aurores boréales… Ce pays a l’air d’être magnifique, et ton billet ne fait que me convaincre encore davantage d’acheter un billet. Merci pour tuotes tes précieuses infos, je reviendrais sûrement voir au moment de préparer mon voyage…
    A quel mois de l’année conseille-tu l’Islande pour voir les aurores boréales ?

  4. « Les assemblées invisibles, la trajectoire des poètes »..Cette île, j’en suis sûre maintenant, transforme les gens en poètes,et ouvre dans les coeurs des portes vers l’invisible. C’est surement la poussière d’étoiles la responsable!

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