Élections municipales en Islande : la chronique inévitable

Dans la foulée des élections municipales en Islande qui se sont déroulées le dernier samedi de mai, la veille de la Journée du Marin (qui entretient les festivités dans toutes les villes et villages du pays), la presse, les politiciens, les analystes, et tout un chacun sur les réseaux sociaux se sont empressés de faire leurs commentaires. Normal. Et bien entendu, tous ces commentaires étaient plus intelligents, plus justes, plus analytiques que les précédents. Les médias ont utilisé les commentateurs politiques habituels, peut être un ou deux moins habituels, et tous les politiciens concernés ou non, au niveau municipal et national, ont pu nous faire part de leur avis éclairé. En général pour dire que le résultat des élections avait été le signe du renforcement de leur parti. Mais qu’en est-il ?

élections municipales en IslandeB = Framsókn, parti progressiste, D = Sjálfstæðisflokkur, parti de l’indépendance, R = parti du peuple, S = Samfylkingin = parti social-démocrate, T = Dögun, parti libéral de gauche, V = Vínstri grænt framboð, parti vert et socialistes, Þ = Píratar, parti pirate, Æ = Björt Framtíð, parti libéral de gauche, héritier du Meilleur parti du maire sortant Jón Gnarr.

Les chiffres sont là pour le dire, en tout cas pour la ville de Reykjavík :  pour une fois, les sondages se sont avérés être d’une imprécision magistrale, que ce soit pour la ville de Reykjavík ou pour d’autres communes importantes – quelle que soit la leçon à en tirer. Electeurs pas décidés ? Changements d’avis de dernière minute ? Limite de l’utilisation des sondages ? Tous les chiffres doivent être analysés en fonction de l’élément le plus commenté au lendemain de ce scrutin : la participation n’a pas dépassé 66%, taux le plus bas ces dernières 60 années, avec 63% à Reykjavík. Si l’on exclut le phénomène Framsókn (parti progressiste) à Reykjavík, qui a misé, après bien des déboires internes, sur le populisme afin de cristalliser les voix des « anti » sur les médias sociaux (anti-mosquée, anti-antivoitures, anti-urbains,…) pour obtenir finalement 10% des voix exprimées et deux sièges (moins de 5% des voix et aucun siège en 2010), les autres résultats correspondent bien à ce que l’on pouvait attendre : la popularité du parti Björt Framtíð (« Futur brillant ») qui a repris l’héritage du populaire maire sortant Jón Gnarr, n’a pas tenu ses promesses. Il en fut de même pour le parti social-démocrate qui était donné grand gagnant des élections. Le parti conservateur (Sjálfstæðisflokkur) obtient le score le plus bas de son histoire à la mairie de Reykjavík, et le parti de gauche (Vinstri Græna) reste sur ses positions plutôt faibles.

En dehors de la capitale, il y eut peu de changements notoires, le principal étant la défaite de la majorité conservatrice à Reykjanesbær qui depuis plusieurs mandats n’a accumulé que des dettes. Une fois les résultats connus, ont commencé les négociations pour signer des alliances devant gérer les communes pour les 4 prochaines années. Il est clair que contrairement aux élections législatives où les partis régissent les alliances potentielles, les individus ont localement plus de poids que les partis. Ainsi Björt Framtíð, qui n’a pas réellement décidé s’ils préfèrent la gauche ou la droite, forme une alliance avec les sociaux-démocrates à Reykjavík et avec le parti conservateur ailleurs. Beaucoup de listes aussi étaient locales et non liées à un parti. Il reste qu’à Reykjavík, une coalition a été formée entre les sociaux-démocrates (dont le chef de file Dagur B. Eggertsson sera le prochain maire, successeur de Jón Gnarr avec qui il dirigeait la ville auparavant), le parti Björt Framtíð, l’élue de Vinstri Græna et le seul élu Pirate.

Le fait le plus marquant est l’isolement complet du parti Framsókn, aussi bien à Reykjavík que dans les autres municipalités où il présentait une liste. Les deux élues à Reykjavík ont bien essayé de rétracter leurs dires concernant leur opposition à la construction d’une mosquée à Reykjavík, elles ont ouvert la boîte de Pandore du racisme qui jusqu’à présent était bien fermée, et elles en subissent les conséquences : aucun parti ne souhaite former d’alliance avec ce parti dont le nom a été traduit en français comme « progressiste ». Le populisme a sans doute payé pour l’obtention de ces deux sièges au conseil municipal de Reykjavík, mais le prix en sera élevé, à commencer par l’isolement. Le parti Framsókn est maintenant entaché d’une image extrême droite, parce que ne s’étant pas désolidarisé des prises de positions des candidates de Reykjavík au niveau national. Le risque : une scission dans le parti, déjà bien entamée. Le pari : que les islandais aient une mémoire bien courte. Ils l’ont prouvé assez souvent. L’inquiétude : la faible participation, qui joue en faveur des partis extrêmes. Le taux de participation est tombé d’une moyenne de 82-88% entre 1962 et 2008 à 78% en 2006, 73,5% en 2010 et à peine 63% en 2014.

À propos de eric

Chroniqueur taquin en phase d'apprentissage.

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un commentaire

  1. « Le risque : une scission dans le parti, déjà bien entamée. Le pari : que les islandais aient une mémoire bien courte. Ils l’ont prouvé assez souvent. », ça me rappelle 2 autres partis français de droite ça !

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